A L'ORACLE DE LA DIVE AMPHORE

D I X   S E P T I E M E   C H A N T   -   L E   M I N O T A U R E

Arès le Dieu puissant à la clameur bruyante observait, selon le vouloir de Zeus, depuis les nuages d'or du Mont Olympe, les lieux où tous les immortels demeuraient écartés comme lui du combat. Les hommes, eux, allaient connaître des destins variés.

- L'ATTAQUE DE L'ASSYRIE -

Le Roi Salmanazar avait décidé d'abattre sa carte maîtresse pour devenir le plus grand monarque de l'Univers et forcer le destin de tous les autres peuples. Sûr de ses alliances avec Babylone et le Hatti, Salmanazar déclarait la guerre au Roi de Haute et de Basse Egypte ! Les Dieux orientaux regardaient ces hommes aux moeurs dangereuses s'agiter et voyaient Kadašhman de Babylone déclarer aussitôt soutenir son allié assyrien. Cette dernière information avait de quoi surprendre les Egyptiens, car Ramsès venait de livrer consciencieusement la ville de Qadešh aux Babyloniens. Sur le terrain, une fois de plus, les soldats réalisaient de longues marches pour se jauger.

- LA PAIX DE ZIMRIDA -

L'Assyrie avait précédemment réussi à trouver un accord avec le Roi Zimrida de Sidon. La paix était scellée entre les Assyriens et les Phéniciens. Kadašhman tentait d'ouvrir à son tour les négociations pour obtenir la concorde et rencontrait Zimrida en secret. Lorsque les marchands de tous les horizons virent la bannière phénicienne flotter à nouveau depuis la plus haute tour de Byblos, chacun pouvait comprendre que la paix était confirmée. Les Phéniciens se sortaient miraculeusement d'un nid de vipères. Ils en profitèrent pour rassembler leurs vaisseaux les plus racés en vue d'une opération éclair contre l'Egypte ou  la Crète, les deux derniers ennemis de la Phénicie.

- LE MINOTAURE ETRUSQUE  -

Un contretemps privait les Athéniens d'initiative, lorsqu'ils rencontrèrent un monstre dans les terres desséchées par le soleil de l'été toscan. Un géant mi-humain, mi-taureau, immobilisait l'armée du puissant Ajax, aventuré avec ses hommes dans la chaude Etrurie. Ajax décidait de le combattre et mit beaucoup de temps à le déloger. Finalement, il parvint à le rencontrer pour un duel de champions et le décapita hardiment. Mais cette altercation avec le minotaure lui fit perdre toute initiative pour poursuivre ses investigations en Italie. Il se passait pourtant pas mal de choses dans cette région comme nous allons de suite vous les narrer. 

- LES CONTRARIETES D'AGAMEMNON -

Agamemnon était en train de boire du vin aux sombres feux et n'en percevait pas moins les interrogations de ses amiraux. Les lettres ne cessaient de parvenir d'Italie où les prétentieux Milésiens étaient passés à l'offensive contre les colonies du Roi de Mycènes. Ce dernier trempait dans un bain chaud préparé par une captive aux belles tresses, mais il savait déjà qu'un grand malheur était en train de se dérouler et qu'il allait devoir se rhabiller. Bien loin de là, son allié principal, le Prince Diomède contemplait l'assaut des galères d'Amphimaque. Il attacha son casque à cimier, puis rangea ses hommes dans la plaine de Pallantium et s'élança en poussant un grand cri, car les Milésiens attaquaient par la mer et par la terre en même temps. Un frisson prenait les membres de chacun des belligérants. Beaucoup étaient la proie de Diomède et les Milésiens devinrent blêmes d'effroi et saisis de panique lorsqu'ils se rendirent compte qu'ils n'auraient aucune chance contre ce combattant impitoyable, vraisemblablement protégé par la Déesse Aphrodite. Les Milésiens furent culbutés et anéantis. Si bien, que Diomède poursuivit son attaque jusqu'à Adrée, où il massacra les reliquats d'une seconde armée milésienne.

- LUTTE A MORT -

Les Troyens étaient embarrassés par la manoeuvre milésienne, mais ils ne pouvaient pas renoncer à leur élan conquérant. Priam se décidait rapidement pour une attaque sur Magnésie, délaissant Milet, trop bien défendue. Tenant dans sa main droite une grande épée thrace, il s'acharnait sur un fantassin sans grade, sans pouvoir sentir le coup arriver. Soudain, un soldat de la première ligne fit un bond dans la direction du Roi de Troie et lui fit sauter son casque. Aussitôt, les hommes de la garde se ruèrent sur l'outrecuidant et le trucidèrent sans ménagement. Dans le chaos qui suivit, personne ne fut épargné, pas même les bambins de la cité. Les corps furent jetés de la muraille comme de vulgaires sacs de grain. A Colophon, ce fut plus atroce encore, les Troyens du général Elymos tirant toutes les nuits des flèches enflammées pour que la ville, après le pillage, soit ravagée par le feu. Les prisonniers furent émasculés, puis vendus comme eunuques.

- DEBARQUEMENT DU PRINCE PRODIGUE -

Pendant ce temps, la mission la plus périlleuse était confiée au Prince Hector qui devait reprendre sa ville natale. Qu'il ne puisse réussir était inenvisageable, mais pouvait orienter le destin de cette guerre. Car, Amphimaque tenait Troie et il pouvait clamer sa victoire, imposer la capitulation, ruiner son ennemi. Le Prince Hector était nerveux et fit voile à pleine vitesse pour remonter en Troade. Contre toute attente, il reprit sans effort la cité de son père, les troupes d'Amphimaque n'ayant pas jugé bon de tenir la capitale adverse un an de plus. Troie était libérée, Priam soulagé. Mais, où Amphimaque était-il parti ? On le retrouvait des semaines plus tard au beau milieu des îles des Cyclades, évitant soigneusement de rencontrer une voile adverse. Visiblement, Priam était en train de gagner sa guerre.

- GUERRE EN PHRYGIE -

Dans le pays des Phrygiens, Hittites et Troyens se disputaient le contrôle des cités. Ce ne fut donc pas une surprise de constater que la convoitise s'était maintenant muée en lutte ouverte. Les Hittites, menés là par le Prince héritier Tudhaliya, parvinrent à prendre la ville de Dorylée et se hâtèrent de faire la fête. Lorsque, tout à coup, une armée troyenne fut signalée en approche, à marche forcée, ce fut le branle bas de combat. Un archer tira une flèche qui atteignait aussitôt un des assaillants au front, au-dessus de la racine du nez. Les os des orbites crissaient et ses yeux sanglants tombèrent à ses pieds. Lui-même ployait comme un boeuf que l'on venait d'abattre d'un coup de masse. Mais cela ne découragea point les Troyens, qui chargèrent en agitant leurs armes avec fureur. Le Prince Tudhaliya, décontenancé par tant d'aplomb et la tournure défavorable du combat, fit sonner la retraite pour ne pas succomber. Dorylée n'avait été occupée que quelques jours et redevenait troyenne.

- BATAILLE NAVALE D'ASCALON -

A Ašcalon, les guetteurs firent soudain sonner une cloche à coup de masse en bois. Sur l'horizon, une multitude de voiles approchaient, plus nombreuses que les étoiles dans le ciel. Les navires égyptiens reçurent l'ordre d'aller à leur rencontre. Les Phéniciens qui arrivaient, pensaient d'abord attaquer Ašdod, mais ils venaient de comprendre que la flotte de Ramsès était déjà à portée. Des projectiles étaient tirés de tous bords pendant que les navires se rapprochaient les uns des autres. Le combat fut tellement long et violent que deux flottes furent coulées ce jour là. Ebranlés d'une part, bousculés de l'autre, tous découvraient la victoire indiscutable des Phéniciens. Cependant, Ramsès avait pressenti la manoeuvre du "vil Phénicien déchu" et ordonné que la ville voisine fut renforcée par une nouvelle escadre de guerre. Ainsi, les Egyptiens étaient prêts à poursuivre la lutte. 

- SEPT PIERRES -

J'avais écouté l'histoire d'un vieil homme venu de très loin et qui parlait de sept pierres. Le désespoir qui harassait le Monde le faisait sourire et il me narrait ses aventures en serrant une bourse d'argent dans sa main. Autrefois, un paysan qui ne savait quand semer voulait consulter cet homme pour obtenir de l'aide. Mais celui-là conserva l'argent, se contentant de lui donner sept pierres. Le paysan entra en furie et la ville de Syène se souleva contre son Roi. Et ce qui guidait ces changements plein de conséquences surgissait le plus souvent de nulle part. Quinze mois après, la Princesse Bentânat pouvait se déplacer en toute sécurité dans Syène. Mais je savais, dès lors, qu'il existerait toujours des hommes pour fouler les chemins de terre avec sept pierres dans la poche. Voilà pourquoi les villes de Malatya dans le Hatti et Ispal en Hispanie se révoltèrent cette année-là. Et ce qui guidait ces changements plein de conséquences surgissait le plus souvent de nulle part !

- UN COIN DE PARADIS -

Achille reprenait des forces et se permettait de fonder la cité de Stratos sur l'Achéloos, le fleuve blanc, au beau milieu de la fertile Acarnanie. La région était riche en hommes robustes et en lacs nombreux, au pied des montagnes de l'Etolie. L'eau fraîche et claire libérait les coeurs et Achille profitait de la rapidité des travaux de construction pour aller se baigner nu avec ses mignons. Le Roi de Phthie savait que le traité de paix touchait à son terme. Il redevenait entièrement libre, mais devait se méfier des actes politiques à venir.

- CONTRE ATTAQUE SCYTHE -

Dans l'immensité des plaines du Nord du Pont, les Hittites s'étaient aventurés crânement dans le pays des Scythes arimaspes et leur avaient dérobé la cité de Tanaïs. Ces tribulations firent long feu tant que les Scythes et les Hittites jouèrent au chat et à la souris en se donnant la chasse. Las de ces enfantillages, le Roi Hattušili décidait d'abandonner cette région, pour se contenter de surveiller les cavaliers sauvages depuis le bastion de Chersonèse. Ce recul fut perçu comme une faiblesse et les Scythes ne firent pas de quartier, massacrèrent tous les traînards, tous les partisans du Hatti et s'emparèrent de Tanaïs.

- LA FONTAINE DE SALMACIS -

Idoménée, le Roi de Crète, était un poète à ses heures perdues. Alors qu'il traversait une forêt aux feuillages épais, il arriva devant un bassin de pierre rempli d'une eau étincelante. Une ombre dans les profondeurs couleur d'émeraude vint agiter l'inquiétante tranquillité. Les eaux étaient troublées par l'apparition de la Reine des Naïades, Salmacis. Elle vint s'asseoir près du plus grand des arbres et appela Idoménée pour lui demander de ne faire plus qu'un avec elle. Comme il n'avait aucun désir de s'unir à cette nymphe ou d'expérimenter l'hermaphroditisme, Idoménée s'écria : "Eh, pauvre folle qui ose me toiser ! Sais-tu quel fils de Zeus tu défies ? Zeus, qui était le père de Minos. Minos le protecteur de la Crète et qui a eu Deucalion pour descendance. Deucalion qui m'a donné le jour pour commander à un grand peuple. Et mes nefs maintenant m'ont porté jusqu'ici pour être ton malheur." Voilà les dernières paroles prononcées par Idoménée. Depuis, on ne savait plus où il se trouvait.