A L'ORACLE DE LA DIVE AMPHORE

Q U I N Z I E M E  C H A N T   -   L E S   L A R M E S   D E   Z I M R I D A

Les Dieux observaient tout le monde comme les enfants des Ages anciens. Ils voyaient le règne des mortels toucher à sa fin, car la vie voulait à nouveau détruire la vie. Ceci était leur seul destin.

- L'EFFONDREMENT SIDONIEN -

Le Roi de Sidon avait toujours été pieux et ne comprenait pas pourquoi les Dieux l'avaient abandonné, soudain. Les yeux en pleurs, Zimrida regardait le ciel se couvrir et se mit à maudire les sauterelles d'Orient, les vautours d'Occident et les crapauds d'Egypte. Agamemnon d'Athènes et Kadašhman de Babylone venaient de fait de lui déclarer la guerre. Avec Ramsès d'Egypte, Idoménée de Crète et Salmanazar d'Assyrie déjà dans les pattes, les Sidoniens se retrouvaient avec cinq dépeceurs sur le dos ! Les opérations prenaient une ampleur d'Apocalypse. Sidon jouait sa survie et perdait une à une ses superbes conquêtes.

- SUCCES EGYPTIENS -

Immédiatement, le divin Ramsès ordonnait que l'on s'empare des possessions sidoniennes les moins bien gardées. Après sa démonstration à Chypre, Sa Majesté prenait personnellement la tête de la flotte, évitait facilement les navires ennemis qui tentaient de l'intercepter et vint mettre le siège devant Tyr, afin de la libérer des griffes phéniciennes. Méticuleux jusque dans la mesure de la hauteur des remparts, Ramsès ne laissait rien au hasard pour pénétrer à l'intérieur de la grande cité insulaire. Conseillé par Pay, l'intendant du harem royal, Ramsès trouvait la faille et lançait son armée à l'assaut, alors que les Phéniciens avaient déjà pris le chemin de la retraite. Tyr se laissa prendre et redevenait une cité indépendante, pouvant tenir comptoir et redevenant l'alliée de l'Egypte. L'armée d'Aribas, qui revenait à marche forcée, pouvait à nouveau être opérationnelle.

- IRRESISTIBLE AVANCE -

Le Prince Bentešina, fidèle allié de Pharaon, continuait de soutenir les Princes royaux, fils héritiers du grand Ramsès. Ensemble, ils comptabilisaient trois armées supplémentaires, ce qui ne pouvait laisser le moindre doute sur la victoire à venir. Et, en effet, les Egyptiens arrachèrent des mains des Phéniciens la ville d'Aštaroth et soumirent au passage la bourgade d'Hešbon. Partout, les oriflammes d'Egypte flottaient crânement. Et que faisaient les Sidoniens pendant ce temps ? Ils se calfeutraient dans leur capitale, en attendant un miracle.  

- TRAITE DE DELOS -

Car les miracles pouvaient arriver. Pour preuve et pour la première fois, deux souverains s'étaient entendus pour ne pas se détruire. Ils n'avaient point guerroyé jusqu'à faire tomber les murailles de la capitale adverse. Tout s'était arrangé avec tact, l'envoi de diplomates, de cadeaux, de scribes et de grandes amphores. Pour couper la tige du conflit qui germait entre Milet et la Crète, les Rois Amphimaque et Idoménée s'étaient retrouvés à Délos pour faire la paix et avaient retenu cette conclusion : Ialysos de Rhodes et son vin célèbre devenaient propriétés d'Idoménée de Crète. La guerre était terminée pour ces deux là. Enfin, Idoménée avait consulté les Dieux et voulait que la Concorde s'impose durablement dans la région. Il déclara à tous qu'il avait une grande alliance avec Agamemnon et Ménesthée.

- DANS LE DOS DE PRIAM -

D'une forêt dense de grands pins sombres, le mont Ida tel une île s'élevait. Un calme descendait des cieux et, la nuit venue, une brume envahissait les arbres. Et, dans la lumière mourante, sous la pâleur froide des troncs sombres, des silhouettes peuplaient le versant de la montagne sacrée. Les Troyens avançaient vers leur destin, en silence et dans le noir complet. Car, dans le règlement du conflit entre Crétois et Milésiens, un belligérant se retrouvait dupé, voire grugé, carrément trompé. Le vieux Roi Priam de Troie pensait mener la danse de la diplomatie sans se soucier des regards noirs et courroucés. Céans, il venait de comprendre le jeu d'Amphimaque. Alors que ce dernier lui promettait un avenir radieux et pacifique en acceptant la livraison d'une ribambelle de villes, il ne signa jamais les documents proposés par les Troyens. Pire, Amphimaque parvint à s'emparer du port d'Iolque et il réussit à faire entrer une nouvelle puissance dans la danse. C'est ainsi que les Hittites déclarèrent la guerre aux Troyens !

- EVANDRE DE PALLANTIUM -

Dans la région marécageuse du fleuve Tibre, vivaient quelques descendants des Arcadiens d'Italie, un peuple de rustres, des brutes sans âme, des fornicateurs de chèvres mortes, des arriérés menés par un "roi" nommé Evandre. Ces inquiétantes tribus avaient une réputation exécrable, car leur contact n'engendrait que des ennuis.  Mais pouvaient-ils faire le poids face aux troupes de Diomède, le plus terrible vassal d'Agamemnon ? Devant le village de Pallatium, établit sur un roc, la plaine entière scintillait de bronze lorsque le soleil se mit à briller. C'est alors que Diomède, le broyeur de vies, couvert du sang de ses victimes, moins chères à leurs épouses désormais qu'aux vautours,  ordonna une nouvelle attaque pour anéantir ces peuplades farouches. Les Grecs firent un carnage, mais les Arcadiens résistaient encore le jour de la fête du Soleil invaincu, c'est-à-dire au jour du solstice le plus court.

- LE RETRAIT D'ACHILLE -

Au royaume de Phthie, le peuple ne pouvait croire que son héros n'avait plus goût à rien et s'était retiré de toutes les guerres. Et pourtant, le bel Achille ne donnait plus signe de vie, errant dans son palais vide. Ce n'est qu'après avoir consulté le devin Tirésias dans l'ancien sanctuaire nécromancien, qu'Achille prit la décision qu'il fallait en finir au plus tôt avec ses adversaires et régler la dette de guerre. Impatient de libérer sa trésorerie, il réalisa le paiement de ce qu'il devait à Ménesthée d'Athènes. Enfin il allait pouvoir se concentrer au redressement de son royaume.

- LE RETOUR D'ULYSSE -

En rentrant comme un mendiant dans son palais d'Ithaque, Ulysse dévoilait soudain sa vraie identité. On m'a raconté que c'est Ulysse en réalité qui donna son arme au Prince Eurymaque et que celui-ci banda l'arc devant tous les invités et n'hésita pas à abattre Alcinoos, l'âme noire de la cour royale, vautré sur le trône. Mais qui était cet expéditif Eurymaque ? Certains prétendent qu'il était un aristocrate banni, ayant trouvé refuge à la cour d'un Roi étranger. Son retour bien à propos, arrangeait Ulysse, qui l'utilisa à escient. D'immenses précautions avaient été prises avant d'agir aussi brutalement, Ulysse devant s'assurer la fidélité des grandes familles du royaume et surtout que sa femme et son fils ne risquaient rien. Un berger d'Ithaque m'a certifié en riant qu'Ulysse émascula Alcinoos et servit à ses invités les testicules cuits dans une feuille de vigne et marinés dans un vin du pays.

- MANOEUVRES NAVALES -

Les lourds vaisseaux aux éperons ferrés du Roi Salmanazar avançaient vers l'île de Chypre et ne rencontrèrent aucun adversaire sur leur route. Quand on sait que les Phéniciens cherchaient à intercepter les Egyptiens de l'autre côté de l'île, il n'est point difficile de comprendre que tout le monde s'était retrouvé bredouille dans cette chasse maritime. Les vaisseaux de Sidon n'eurent pas le temps de revenir pour sauver Kythion et les Assyriens s'emparèrent facilement de la cité aux mille mines de cuivres. Sur le continent, ils poursuivirent leur rafle impitoyable en prenant Byblos et Damas. Les magasins étaient pillés jusqu'aux combles, les femmes étaient toutes emmenées pour servir d'esclaves dans les gynécées de Ninive. L'empire de Zimrida s'effondrait, certes, mais la cruauté des Assyriens était maintenant visible de tous. 

- MISE AU PAS DE L'URARTU -

Salmanazar avait chargé le général Assur-Mušhabšhi de prendre Tušhpa, la grande forteresse du pays de l'Urartu. Après des mois d'attaques et de contre-attaques, le général au casque étincelant lançait un dernier assaut et domptait le Prince Sieni d’un tir de flèche précis, le frappant au poumon gauche. Lorsque l’homme chut dans la terre, la poussière entre les dents, au milieu des bataillons urartéens, Assur-Mušhabšhi défourra son épée et transperça la nuque de l'homme au sol. De la colline voisine, écartant les branches d'un arbre, un berger apeuré pouvait voir les Assyriens hurler autour de leur général et se ruer sur leurs adversaires avec une haine féroce. La ville fut investie et les Assyriens eurent enfin des chevaux.