A L'ORACLE DE LA DIVE AMPHORE

O N Z I E M E  C H A N T   -   L A   S O L I T U D E   D ' A C H I L L E

Zeus, le plus illustre et le plus glorieux des Immortels, aimait davantage la concorde à la discorde. Et, puisque les temps étaient troubles, il décida de ramener les hommes à la raison, afin de retrouver une harmonie céleste et un apaisement terrestre. Mais les hommes aimaient la guerre...

- SEUL CONTRE TOUS - 

Des années comme celle-là avaient trop d'importance, pour qu'on les déprécie avec des phrases pesantes. Aussi allais-je vous conter les événements sans plus attendre. Achille aux pieds légers avait encore des ressources et s'en alla surprendre ses ennemis à Calydon. Là, il ressembla toutes ses forces, prit la ville et encouragea sa flotte à ne pas craindre de s'engager. Aussitôt, les navires de Phthie vinrent dans la baie de Calydon après avoir rossés leurs adversaires mycéniens. La marine du Roi Agamemnon était de fait bien inférieure et ne put offrir une longue résistance. Toutes ses embarcations furent coulées.

- SECONDE CHUTE DE TRACHIS -

Cette belle victoire navale ne pouvait cependant cacher le désarroi de la population du Roi Achille, lorsque les troupes de Ménesthée d'Athènes se permirent de prendre Trachis, derechef. Cette fois, le Roi de Phthie avait tout perdu. Le baroud d'honneur n'avait pas suffi à dissuader la coalition et les colonnes de soldats convergeaient vers la capitale Dans l'armée de Ménesthée, un soldat était plus grand que les autres, qui s'appelait Teucros. Ce Teucros – calamité pour lui-même, car il ne savait rien des décrets des Dieux – affrontait le mayeur de Trachis et s'avançait pour le frapper à la fesse droite. La pointe de sa lance se fraya un chemin par la vessie, sous l’os. L’homme croula sur les genoux, gémissant jusqu’à ce que la mort l’emportât. Trachis ouvrait ses portes à l'envahisseur. Sur les flots, la situation vira au drame, lorsque la flotte crétoise vint venger les Mycéniens en coulant à leur tour les nefs d'Achille, sans pitié.

- VOYAGES EN MER -

En ces temps, les déplacements les plus rapides étaient les voyages maritimes, qui se réalisaient grâce à l'adoption d'Eole ou la force des bras. Les galères à la proue effilée traversaient les mers et permettaient à de grandes armées de parvenir aux destinations les plus diverses. Dans ce dessein, les marins avaient résolu d'éprouver les oracles de la Grèce et s'accorder la faveur des Dieux.

Les Mycéniens, les premiers, profitèrent d'un calme plat, pour rejoindre une région qu'ils connaissaient, pour l'avoir exploré autrefois. Ainsi, les hommes d'Agamemnon reprenaient possession de la ville d'Otrante et de ses paludiers. A quelques lieues seulement, les hommes d'Ulysse parvenaient de justesse à s'imposer à Alybas, une bourgade entourée d'oliviers.

- LA PENINSULE IBERIQUE -

Nomion était le neveu d'Amphimaque de Milet et un vaillant conquérant. A lui seul, les Milésiens devaient le contrôle de la totalité de la péninsule ibérique. Car, en affrontant le dernier roitelet ibère, à Tarraco, Nomion éliminait définitivement toute opposition de ce vaste pays secret. Le souverain local avait pour nom Soldo, c'est-à-dire "le Roc", et il résista longtemps à l'invasion milésienne. Mais Nomion lui trancha la tête avant de l'envoyer au loin avec son casque. Toute la région lui rendit aussitôt hommage.

- LES AMAZONES -

La gracieuse Penthésilée, Reine des Amazones, était une fois de plus à l'honneur en s'emparant d'Erebuni, une ville isolée dans les montagnes d'Arménie. Ses redoutables guerrières ne firent aucun quartier, puisqu'elles massacrèrent les indigènes par milliers. La ville fut aussitôt intégrée au royaume du Hatti. Il va sans dire que son Roi, Hattušili, avait réalisé le meilleur des investissements en se payant une telle alliée, puisque Penthésilée avait déjà conquis plus de cités que n'importe quel général hittite.  

- LA LYCIE -

Au-delà de l'Ionie, il y avait la Carie et au-delà de la Carie, il y avait la Lycie. Ces deux pays étaient sauvages et leurs peuples indociles. Idoménée de Crète avait pourtant réussi à faire des Lyciens des alliés, mais n'avait jamais rien osé leur demander. Leur souverain, Sarpédon, était un chef de guerre dont les Milésiens se méfiaient. Les Lyciens vivaient à Telmesse, au bord du fleuve Xanthos, un cours d'eau peu large qui venait des montagnes. Les Crétois disaient que les Lyciens avaient hérité de trois inventions des Cariens, que tous les peuples grecs ont ensuite adoptées. Ils ont été les premiers à attacher des crinières au sommet des casques, à peindre des insignes sur leurs boucliers et munir ces boucliers de courroies pour passer le bras. Jusque-là, les soldats tenaient leur bouclier à l'aide d'un baudrier de cuir passé autour du cou et de l'épaule gauche.

- LA REINE DE PISIDIE -

Dans une contrée peu connue, entre Telmesse et Tarse, vivait la Reine Maseis de Sidé qui se disait descendante d'Heraklès. Elle régnait sur les Pisidiens, un peuple montagnard, farouche et craint. Ces Pisidiens avaient aussi la réputation d'être d'infâmes pirates, interceptant tout ce qu'ils pouvaient. En conséquence, attaquer de tels sauvages était une gageure pour le Roi d'Assyrie. Il prépara donc ses plans avec méthode et engagea pour cette opération pas moins de deux armées et sa flotte de guerre tout entière. L'attaque se déroula par la mer et par la terre, et l'on prétendait que les Assyriens ne firent aucun prisonnier, ravageant la ville de Sidé de fond en comble. Toutefois, le Reine Maseis parvint à s'enfuir et jura qu'elle aurait sa vengeance.

- LONGUE ATTENTE -

Ramsès, le puissant Taureau d'Egypte, se délectait d'un dessert à base de poires et de figues, couvertes de cumin, de coriandre, de menthe et de fenouil. Pendant ce temps, une armée aux fraîches recrues sortait de Péluse et marchait le long du Lac Serbonis qui, disait-on, était un lagon où se cachait Typhon, la divinité la plus malfaisante du Panthéon grec. Les Egyptiens l'appelaient Seth et le craignaient tout autant que les Hellènes. Mais tout cela n'était que mythe ou boniment, car Python hantait un autre territoire. Une terre, que l'on disait être le paradis.

- BABYLONE MENACEE -

Kadašhman-Enlil était persuadé qu'un Dieu voulait le persécuter ! Lorsque son Chabellan lui apporta une lettre du gouverneur de la bordure orientale, il sut que les cieux lui en voulaient réellement. Mais pourquoi lui ? Pourquoi devait-il supporter qu'une tribu nomade d'Aryens revêches franchisse la frontière de son doux royaume ? La ville séculaire de Lagašh était prise par les rustres orientaux, surgis de nulle part. Là, l'orage mettait fin à la douceur du lieu. Dans les rues de Lagašh et sur les places, où se tenaient jadis les danses du pays, des monceaux de cadavres étaient entassés. Il fallait réagir, car les gens de Babylone, la capitale aux splendides jardins, n'étaient guère enthousiasmés par ce raid destructeur.